Contrainte sous forme de ( légère ) mise en abîme « A supposer »[1] trouvée sur oulipo.net contrainte :  une phrase unique, pas de ponctuation forte.

PY VERKINDT

A supposer que l’on me demande d’écrire  un texte dans le cadre d’un atelier Oudropo,,  à partir d’un autre texte qui existe déjà et dans lequel l’auteur à force d’incises aurait multiplié les tirets pour expliciter sa pensée afin d’être certain que le lecteur ne perde jamais le fil ou ajouté des références à l’internet comportant toujours des tirets du huit j’aurais alors quelque peine à faire le lien  avec ce petit frère de l’Ouvroir de littérature potentielle mieux connu sous le nom d’Oulipo  sauf si bien entendu je pouvais éliminer les tirets modifiant ainsi le sens du texte proposé ou peut-être en révéler une signification cachée que le juge serait lui-même surpris de découvrir alors même que jusque là il avait l’impression de connaître par cœur la disposition qu’il avait en charge d’appliquer et que confronté à la réalité de la contradiction il cherchait dans ce texte familier les ressources pour la dépasser tout en mêlant les mots et leurs interprétations mais sans jamais ni déformer le texte en interprétant ce qui n’a pas à l’être tombant alors sous le coup du grief de dénaturation ni statuer au-delà du procès ce qui assurément ferait de lui un bien piètre magistrat ou un justicier ce qui ne vaudrait guère mieux.

Helene thomas : Trois contraintes associées à partir du fragment « Que faire ? » de Fragments du discours amoureux, Roland Barthes, le Seuil, 1977, p.75-77. Fragment +A supposer qu’on me demande ici de…+ Pastiche et transposition d’un fragment du discours amoureux au discours juridique

 

A supposer qu’on me demande ici de fragmenter ou de défragmenter deux textes juridiques pour en fabriquer un troisième et que le mot « fragment » m’ait emmenée et fait dériver, non dans le fleuve héraclitéen, ni dans les parages poétiques saphiques –quoique…-, mais vers les rivages barthésiens des Fragments d’un discours amoureux ( car, oui ! c’est le printemps), et plus précisément d’un fragment intitulé « Que faire ? », portant sur la « figure délibérative de la conduite »,  et que je décide de fragmenter, à mon tour, le dit fragment, tout en substituant non Lénine à Barthes, dont on n’est pas certain que ce dernier avait lu l’opuscule et qu’il adhéra à la théorie de la Révolution, mais Kelsen (K un), homme du Droit, science des conduites sûres et Josef K (K deux), au jeune Werther et à son ami Wil-hem  (oui ), homme de la Morale, science des conduites sûres, donc Kelsen ou Caïn (prononcer Caïn) et KAAfka ou K 2, à Oui et Vers, la fragmentation donnerait alors lieu à cette réflexion toute K-esque ou K-ienne  à la fois : « Faut-il –continuer ? Si Kelsen, l’ami de Josef K, est l’homme de la Morale de la loi, science sûre des conduites, et que cette morale est en fait une logique: ou bien ceci ou bien cela ; si je choisis (si je marque) ceci, alors, de nouveau, ceci ou cela : et ainsi de suite jusqu’à ce que de cette cascade d’alternatives surgisse enfin une norme pure -pure de tout regret, de tout tremblement ;  tu aimes la Norme : ou bien du as quelque espoir, et alors tu agis, ou bien tu n’en as aucun et alors tu renonces…, ou bien (c’est ce que fait Josef K)  j’essaie de me glisser entre les deux membres de l’alternative, je choisis obstinément de ne pas choisir ; je choisis la dérive, je continue… vers la source… à l’infini…  suivant le karma, cet enchaînement (désastreux) des actions (de leurs causes et de leurs effets),  sans suspendre le jeu de la causalité, absenter les signes, ignorer la question pratique : « que faire ? »,  [que] je ne cesse moi, de me poser et je soupire après cette suspension du karma qu’est le nirvâna… où, comme le cancre au fond de la classe, je n’ai qu’à être là : le karma bruit devant moi, mais sans moi… et je puis, un temps très bref, m’arranger un petit coin de paresse. »

Est futile ce qui apparemment n’aura pas de conséquences, mais pour moi, sujet  amoureux réaliste, tout ce qui est nouveau, tout ce qui dérange, est reçu, non sous les espèces d’un fait, mais sous celle d’un signe qu’il faut interpréter. Du point de vue  amoureux réaliste, le fait devient conséquent parce qu’il se transforme tout de suite en signe : c’est le signe, non le fait qui est conséquent (par son retentissement). Si l’autre m’a donné ce nouveau numéro de téléphone/droit, de quoi était-ce le signe ? Était-ce une invite à en user, tout de suite, par plaisir, ou seulement le cas échéant, par nécessité ? Ma réponse sera elle-même un signe, que l’autre interprétera fatalement, déchaînant ainsi entre lui et moi, un chassé-croisé tumultueux d’images/ de sens. Tout signifie : par cette proposition, je me prends, je me lie dans le calcul, je m’empêche de jouir.

Parfois, à force de délibérer sur « rien » (à ce que dirait le monde), je m’épuise ; je tente alors, par sursaut, de revenir, tel un noyé qui frappe du talon le sol marin, à une décision spontanée (la spontanéité : grand rêve : paradis, puissance, jouissance) : eh bien appelle-la puisque tu en as envie ! Mais le recours est vain : le temps amoureux/ juridique ne permet pas d’aligner la pulsion le jugement et l’acte, de les faire coïncider : je ne suis pas l’homme des petits « acting-out » ; ma folie est tempérée, elle ne se voit pas ; c’est tout de suite que j’ai peur des conséquences, de toute conséquence : c’est ma peur –ma délibération– qui est « spontanée ».

J’ai remplacé : amoureux par réaliste deux fois puis par juridique, images par sens et la pulsion par le jugement.

C’est un triple pastiche : fragment à supposer plus l’adage + Barthes, fragment J, je t’aime, paratexte, 3 ou 4 parties dans le texte, référence à Goethe.

Pierre-Yves : il faudrait reprendre ce texte en faisant une glose tout autour, écrire dans les marges.

Emmanuel J.

A supposer que l’on me demande de justifier de l’utilité d’un professeur de droit je dirai qu’il sert à transmettre des règles qui ne sont plus à jour à des étudiants qui regardent des sites de vente en ligne pendant les cours qu’il sert aussi à déformer les jugements des magistrats et les arrêts de la cour de cassation pour leur trouver un sens qu’ils n’avaient pas au départ à préparer des avocats à faire des hyperboles à donner des avis vagues à des projets de textes techniques précis et souvent inutile, à fournir des écrit aux éditeurs commerciaux qui se répètent les uns les autres à faire des projets de recherche déjà fait ailleurs pour dépenser des fonds européens à faire des sélections impitoyables d’étudiants pour trier ceux qui apprendront le mieux des codes devenus illisibles à répondre à des demandes incessantes de l’administration pour préparer le prochain contrat quadriennal qui ne modifiera pas le programme des facultés de droit à tenter de mettre en cohérence dans des manuels des disciplines pourtant poreuses et infinies  et parfois enfin à générer un peu d’incohérence potentielle pour faire diverger la pensée automatique ouvrir peut-être une fois par mégarde, à un peu plus de justice.