La Contrainte proposée à la séance précédente par Alicia Mazouz est : Écrire un texte contraignant sans concept juridique, on peut parler de la contrainte non conceptuelle.

Viveca Mezey se demande : s’agit il d’éviter le terme juridique ou le terme contraignant, même l’usage de l’indicatif est un signe de contrainte ?

Il s’agit de la contrainte non-conceptuelle (nous n’avons pas dénommé la contrainte me semble-t-il) légèrement modifiée.

Viveca propose l’application suivante :

Art. L. 341-10 al. 1 du Code monétaire et financier

« Sans préjudice des règles particulières applicables au démarchage de certains produits, ne peuvent pas faire l’objet de démarchage :

1° Les produits dont le risque maximum n’est pas connu au moment de la souscription ou pour lesquels le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial. […].

Cela donne sans concept :

« Aux innocents. Méfiez-vous de fourbes, venant chez vous en vendant des rêves, de l’or et du miel. Ces êtres outrecuidants sont priés de s’abstenir de vous importuner – chez vous, par téléphone, par papotage, par mail ou autrement -, dans l’intention d’ergoter, de vous proposer un investissement, une aventure financière, sans préciser le montant exact que vous risquez d’y engloutir. Pareillement, méfiez-vous des imposteurs ayant l’outrage de prendre tout votre argent, – votre seule fortune -, de le perdre et puis d’oser vous demander de payer encore plus. [N’oublions pas que certaines aventures spécifiques, particulièrement malheureuses, ne devront jamais vous être proposées.] [Cette dernière partie reflète la première phrase, « Sans préjudice des règles particulières applicables au démarchage de certains produits »]

Contexte historique : loi du 8 aout 1935 après la crise de 29, besoin d’interdire des démarcheurs qui se présentent au domicile notamment avec des titres étrangers en France, texte contre les valeurs véreuses.

Nissim : qu’est ce qui reste du droit civil en droit financier ? Dans le manuel de Th. Bonneau sur droit financier, il y a une demi page sur l’ordre public. Le président de l’AMF a ainsi déclaré qu’il ne connaissait pas l’ordre public (ce à quoi on ne peut pas déroger), or il y a beaucoup de dérogations en ce domaine : on dit qu’il n’y a pas de concept en droit financier, peut-être parce que part de la finance et donc des faits. Le contrat financier anglo-saxon d’une centaine de pages est un nid à contentieux. Or, on ne touche pas au contrat financier car les cabinets d’affaires vivent de ses difficultés.

Lisa : la question des nouveaux droits peut être généralisée : ainsi il n’y a pas de définition de la multinationale, selon les guidelines ce n’est pas forcément utile d’avoir une définition précise pour avoir une flexibilité (pdf p. 19, 4 « une définition précise des multinationales n’est pas nécessaire pour l’application de ces principes ».

Le contrat de bitcoin entre dans la liste des contrats financiers établis à l’article 211-1 CMF. Mais pour l’AMF, ce n’est « pas nécessaire de qualifier » car le contrat se dénoue par espèce, cette position est prise dans un communiqué de presse.

Le Gardien des Nuages, Nissim Elkaïm, propose une mise en oeuvre de la Contrainte – Écrire un texte contraignant sans concept juridique.

« Par temps de commémoration active et anniversaire de mai 68, écrire un texte contraignant sans concept juridique est d’une actualité qui s’invite armée aux portes de nos universités. Alors, que penser et que dire d’une contrainte sans droit et d’un droit sans contrainte ? Peut-être un conte philosophique moderne nous y aidera-t-il ? Il s’agit de l’histoire d’un maître-nageur anonyme à la piscine de Sartrouville préoccupé par l’impossibilité récurrente d’en faire appliquer le règlement à ses usagers. Le dit maître-nageur anonyme partit méditer pendant 8 jours en haut du plongeoir de dix mètres. À l’issue de sa méditation, il eut la révélation tant attendue : terminé les règlements truffés de concepts juridiques, et que personne n’applique ! Place désormais à une poésie tant aimée et retrouvée :

Si tu viens à la piscine sans ton bonnet

Les cheveux des autres usagers tu devras coiffer

Si tu rentres dans le bassin sans par le pédiluve être passé

Les pieds des autres usagers tu devras masser

Si un short à la place du maillot demandé tu as amené

En tenue d’Adam tu devras te baigner

Si des soucis la journée t’a amené

Malgré tout le sourire tu devras garder

Cette poésie par devers toi tu placeras

Afin de la méditer au lever et au coucher

Et par-dessus tout, dans la joie tu l’appliqueras

Armé de son poème, le maître-nageur, redescendit de son plongeoir, et prêcha afin que son poème fût appliqué. Contre toute attente, ainsi fût fait. Une communauté solidaire était née, dont la devise était : « le droit dans la joie ». Au-delà du territoire de la piscine se propagea cette nouvelle foi. Mais ceci, comme le dirait Rudyard, est une autre histoire…

Commentaires : il s’agit de faire une casuistique à la romaine sous forme de poésie et sous forme Si alors. Le Code civil a pu être mis en poésie (v. site de la BNF). Arlette Tanga note qu’en Afrique on apprend le droit par des histoires et des fables. On apprend aux enfants le droit coutumier, pas le droit écrit, par tribu par région, ex au nord du Cameroun, il y a des clans, voler dans un clan fort, c’est du courage pas du vol. Le juge applique pourtant le droit écrit qui punit le vol.  ; Par ailleurs, dans la région anglophone on a appliqué le droit francophone, il y avait des règles de vie qui n’ont pas été respecté d’où le conflit actuel avec la zone anglophone. Selon Junior Dkodo, il y a trois sources en droit africain : le droit coutumier africain domine toujours la mentalité et il y a le droit français et la sphère anglophone. Le juge n’applique pas le texte mais la réalité qu’il a en face de lui. Il y a parfois une question de sorcellerie (exemple de l’électricité qui ne marche pas car les anciens n’ont pas été consulté, le préfet les fait signer un document administratif et l’électricité remarche).

En Espagne, selon Vanessa Marti, un auteur a écrit un ouvrage « etica para amador » qui permet d’aborder le droit par le récit

Arlette Tanga propose à son tour une application de la contrainte : elle se demande si la contrainte concerne le langage du droit qui ne serait pas du tout utilisé ou seulement un résumé pour quelqu’un qui ne connaît pas la règle

L’article 17 de la convention de Montréal sur l’unification du droit du transport aérien prévoit une responsabilité objective. L’article 28 également pour l’avance de paiement en cas de mort.

Cela donne :

« S’il arrive quelque chose à la suite d’un accident aérien celui qui a déplacé subit tous les dégâts qui en découlent ; d’ailleurs tu pourras obtenir des avances »

Est-ce un problème de vulgarisation du droit. Il faut le rendre accessible mais en gardant une distance, idem costume dans le monde judiciaire et les expressions maître, monsieur etc,

Selon Junior en Afrique les chinois apprennent le droit coutumier et le respecte à 38 % en le contournant. En nouvelle Calédonie des assistants du juge expliquent les coutumes pour les appliquer parallèlement au Code civil français.

Contrainte non conceptuelle par anticipation par une étudiante de Master 2, Mme Deuchler qui a transformé un texte du code de la santé publique à propos des médicaments pédiatriques :  « il est dérogé à l’obligation de présenter les informations visées à l’art 7 parag 1 point a :

– pour des médicaments spécifiques ou pour certaines classes de médicament s’il est établi que l’une des conditions ci-après est remplie

– si la maladie ou l’affection au traitement de laquelle le médicament ou la classe de médicament concerné est destiné n’existe que chez les populations adultes »

cela donne sans concept juridique :

« On exige des inventeurs qu’ils dévoilent les résultats d’évaluation de l’utilisation d’un remède chez les petits, sauf si le remède qu’ils développent pour les grands ne peuvent absolument pas être utilisés pour les troubles enfantins »

Enfin Emmanuel Jeuland essaie de transformer l’article 6 CEDH selon la contrainte non conceptuelle : «  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

Devient :

« Tout individu peut s’il le souhaite trouver une solution à une difficulté sociale en étant écouté de manière appropriée, devant d’autres individus présents, assez rapidement, par un ensemble d’individus qu’il ne connaît pas et qui ne sont influencés par personne d’autres ».

Commentaires : le concept de pré interprétation renvoie à tous les sens des mots courants. On pourrait ainsi demander à un non juriste d’interpréter une règle juridique