Forme brève

Par Frédéric F. Martin

DEFINITION :

Cette contrainte vise à créer du droit sous une forme brève, adage, tweet ou autre.

APPLICATION :

Le black bloc ayant cassé

Tout l’été,

Se trouva fort dépourvu

Quand la BAC fut venue.

Variante

La police ayant gazé

Tout l’été

Se trouva fort dépourvu

Quand les masques furent venus.

Selon la formule commune rapportée par Loysel, Institutes coutumières, liv. V, tit. iii, § xvi, n° 726, signifiant qu’il n’y a d’autre prescription que centenaire contre le roi :

Qui a mangé [al. plumé] l’oie du roi, cent ans après en rend la plume.

L’article 111-3 Code pénal « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement » n’est que la forme développée de l’adage : Nullum crimen, nulla poena sine lege[1].

De même que l’article 1240 du Code civil (« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. ») peut aussi se dire :

Qui porte dommage, porte réparation.

Ou :

Qui dommage répare.

Quant au tweet, il n’est d’autant moins potentiel qu’il semble tendre à devenir, notamment en période de pandémie, un vecteur de publication de décisions ministérielles, pas toujours suivies de texte officiel mais pour autant susceptibles d’effets par l’interprétation qui pourra en être donnée, que ce soit par des agents de l’administration ou des personnes privées.

COMMENTAIRE :

La forme brève n’a pas de forme propre. Elle peut être un proverbe, un brocard, un adage, une sentence, une morale, une fable. Ordinaire, elle ne relève ni du droit ni de son contraire et s’oulipise ou s’oudropise presque naturellement. Bref, l’énoncé est ramené aux relations simples qui se tissent entre un nombre réduit de substantifs et de valeurs, comme en un procès. S’y dessine un motif exemplaire, sentencieux ou narratif, dont on peut inférer une prescription morale ou juridique. Ainsi « Justice numérique, justice inique », traduit le risque de rendre inhumaine une justice numérisée. La construction fonctionne comme un mème (voire la contrainte du mème juridique) puisqu’il existe aussi : Juge unique, juge inique ou encore Justice delayed, justice denied. On pourrait dès lors imaginer, par exemple, Justice émotive, justice sans motif, etc.

[1] A. F. Berner, Wirkungskreis des Strafgesetzes, nach Zeit, Raum und Personen, Berlin, 1853, p. 2.