CIRCOURIELLE N°9 : L’AREGLE

Cher collègue,

Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint la – courte – contribution annoncée sur « l’arègle”.

Je vous en souhaite bonne réception, et reste naturellement à votre disposition pour échanger plus avant sur celle-ci.

Bien à vous,

Jeremy Heymann

L’arègle, en théorie

L’arègle – de “a” privatif, et “règle”, règle – n’est pas une règle. C’est

même tout le contraire, et c’est pourquoi elle ne saurait être suivie ; on ne suit

pas l’arègle, on la devine, on la perçoit, mais sans l’avoir (avec soi).

L’arègle est rétive à l’ordre : elle ne peut, ni ne veut. Elle n’est pas là, ni

même ici ; elle est ailleurs, là où le “cas O” est pris en compte, là où l’ajuridicité

est de mise, ce qui est peu (et beaucoup à la fois).

L’arègle est toutefois le produit d’un Ordre, l’Ordre ajuridique, où le rien

est un tout, puisque tout est possible. L’arègle peut donc engendrer : c’est

l’arégulation, mais ses contours sont flous, car son objet est indéfini.

Peut-on dès lors aréguler ? À condition que rien ne soit construit, ni

même donné, la réponse est positive, mais aréguler n’est ni inné, ni acquis ;

cela reste un effort. En outre, l’arégulation n’a pas de but ! Il faut lui en donner

un, et c’est l’affaire de tout un chacun.

Il y a en effet autant d’arégulateurs que d’arégulatrices – l’arégulation

n’est pas genrée –, mais leurs affaires sont privées. De sens ? Ce serait une

direction. D’effets ? Ce serait une interdiction. De conclusion ? Ce n’est pas la

solution…

Réponse non envoyée par circourielle

Cher collègue,

Votre oudropo,, sur l’arègle nous enchante et nous donne envie de surenchérir avec « l’anorme ». L’anorme fait penser à Prévert qui disait quelque chose comme : la norme trompe énormément. L’anorme est énorme, hors norme, elle n’impose rien mais de façon énorme. Une anorme est par exemple celle qui interdit de ne pas interdire car nous avons besoin d’interdit mais elle est tellement large qu’elle en devient inapplicable. L’anorme est aussi une norme de l’anormalité. Ainsi l’anorme du cancre est de s’installer au fond de la classe près du radiateur.  Une recherche internet sur anorme montre que ce terme a déjà été employé dans des romans, des librairies ou des sociétés commerciales, mais plutôt comme nom propre. En faire un nom commun pourrait peut-être la protéger de l’appréciation. Les noms communs font parti des biens communs.

Merci encore, cher collègue, de nous donner à réfléchir sur le droit.

Voir arègle

Bien amicalement,

E. Jeuland

voir voyelle, France Ô